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Private equity secondaire, une stratégie coeur de portefeuille.

SOMMAIRE

QU’EST-CE QUE LE PRIVATE EQUITY SECONDAIRE ?

 

Par opposition au marché primaire que l’on pourrait comparer au neuf celui du secondaire pourrait être qualifié de marché de l’occasion.

En effet dans une transaction secondaire, un acheteur fait l’acquisition d’un actif privé (parts de fonds, plusieurs actifs d’un fonds ou un actif isolé) auprès d’un autre investisseur (appelé LP, Limited Partner) on parle alors de transaction LP Led. Lorsque l’acquisition intervient à l’initiative de la société de gestion (appelée GP, General Partner), on parle dans ce cas d’un GP led.

Les transactions en secondaire sont donc alimentées par les levées de fonds qui sont intervenues sur le marché primaire au cours des dernières années.

Les raisons qui les poussent à céder des actifs :

La plupart des fonds n’intègrent pas de mécanisme de liquidité et ont des durées d’investissement de 10 ans ou plus. Sur ce laps de temps le contexte peut évoluer ainsi que les objectifs de gestion. La seule option qui se présente pour obtenir de la liquidité est le marché secondaire.

Les vendeurs côté investisseurs sont très souvent des acteurs institutionnels qui cherchent à rééquilibrer leur portefeuille. Ils gèrent de façon active leurs participations y compris en actifs non cotés comme un particulier pourrait modifier son allocation entre actions cotées et obligations. Ils procèdent dans cette hypothèse à la cession de tout ou partie de leur investissement dans un fonds.

Le fonds de secondaire en fournissant cette liquidité est alors en position de force pour négocier un prix attractif sous forme de décote par rapport à la valorisation des participations en sous-jacents.

Contrairement à ce que certains investisseurs pourraient penser, le secondaire n’est que faiblement utilisé (21%) pour sortir un fonds en fin de vie. C’est bien la gestion active de leur portefeuille qui les guident (64%) et la rationalisation des relations avec certaines sociétés de gestion (11%).

Principales raisons qui motivent les investisseurs à vendre en secondaire.
Source : Jasmin Capital Annual Market Survey Secondaries 2023
 

Côté société de gestion (GP) il s’agit d’assurer de la liquidité à leurs investisseurs (LP) dans un contexte où les introductions en bourse sont plus rares et les autres options limitées. Dans ce cas elle va procéder à la vente d’un actif spécifique (single asset) ou de plusieurs actifs (multi assets).

La société de gestion peut également sortir une participation du fonds mais la conserver dans un nouveau fonds dédié (continuation fund). Les investisseurs existants auront alors la possibilité de réinvestir tout ou partie du fruit de la cession dans ce véhicule et de nouveaux investisseurs pourront également rentrer à cette occasion. Cela permet à la société de gestion de conserver un actif de qualité avec un potentiel de croissance existant. Le fait que la société de gestion ne change pas permet d’assurer une continuité dans les relations avec les équipes opérationnelles.

A titre d’illustration, on peut citer la transaction de Clayton, Dubilier & Rice (CD&R) sur Belron qui détient entre autres la marque Carglass. Il s’agit de la plus importante de 2021 avec un « single asset continuation fund » qui a réuni 4md$. Cette transaction a permis à CD&R de cristalliser une partie de la plus-value réalisée par les investisseurs puisque la valeur d’entreprise de 3Md$ en février 2018 est passée à 21Md$ en juillet 2021 avec cette opération.

LES AVANTAGES DU PRIVATE EQUITY SECONDAIRE

Il existe plusieurs avantages à ce segment du private equity :

 

  • Des actifs matures :

Les transactions en secondaire concernent en majorité des fonds qui ont entre 3 et 7 ans. La période d’investissement est en grande partie passée et le fonds est déployé souvent à hauteur de 80% ou plus. Il est donc beaucoup plus aisé à l’acquéreur qui dispose de données sur la société ou le portefeuille de former son prix en faisant ses propres analyses en plus du prix fourni par le cédant (NAV trimestrielle du fonds).

On observe dans l’étude Preqin ci-dessous que seul 1% des millésimes de secondaire de 2000 à 2017 ont délivré une performance inférieure à un multiple de 1x les capitaux investis, synonyme de perte d’argent.

A contrario on observe également que les performances supérieures à 2x le capital investi sont beaucoup plus rares (11%).

C’est dû notamment au profil de rendement / risque de ce segment qui semble particulièrement adapté aux investisseurs particuliers ou non institutionnels.

 

Répartition des multiples attendus en buy out, venture et secondaire
Source : Preqin, net multiple taken from mature primary buyout, venture and secondaries funds with vintages in 2000 – 2017, as of each fund’s last reporting date.

 

  • Décote :

En raison de l’illiquidité des fonds une décote est admise par le vendeur qui retrouve de la liquidité. Cette décote évolue en fonction du contexte de marché. Lorsqu’il y a une dislocation des marchés côtés notamment, un contexte d’incertitudes économiques comme en 2020 ou 2022 la décote augmente pour refléter l’incertitude sur les prix.

Si l’actif a été valorisé correctement elle offre un gain quasi immédiat à l’acquéreur. Pour actif évalué à 100 sur lequel une décote de 20% est appliquée, l’acquéreur réalisera une performance de +25% grâce à la réduction de la décote. Par ailleurs si cet actif progresse de 30% soit un prix de cession à 130, l’acquéreur réalisera un multiple > à 1,6x la mise (acquisition pour 80 d’un actif cédé à 130).

Comme on peut l’observer dans le graphique ci-dessous la décote actuelle sur les fonds de buy out (capital transmission), l’un des segments du private equity offrant les rendements les plus élevés, est historiquement élevée.

Source : Jefferies Global Secondary Market Review, Janvier 2023.

 

  • Diversification

Le fonds de secondaire va réaliser plusieurs investissements durant sa période d’investissement. Chaque transaction portant elle-même sur des parts de fonds lorsqu’il s’agit d’un LP Led. Le fonds pourra avoir plusieurs centaines de sociétés en sous-jacents et donc une très grande granularité.

Le risque est réduit d’autant si une participation se comporte moins bien qu’attendu. De même pour les secteurs d’activité, la zone géographique et les sociétés de gestion (GP) qui gèrent les fonds.

Cette diversification est moins valable pour les transactions GP Led qui peuvent porter sur un actif unique (single asset) ou quelques actifs (multi assets). Les acquéreurs attendent donc de ces transactions un rendement plus important en raison du risque plus élevé.

Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous les investisseurs attendent des retours > à 2x pour 40% d’entre eux s’agissant d’une transaction single asset.

 

Source : Jasmin Capital Annual Market Survey Secondaries 2023

 

  • Accès à des opportunités exclusives :

En raison du réinvestissement des investisseurs existants dans les nouveaux millésimes, certains fonds n’ouvrent que très peu leurs portes à de nouveaux entrants. En investissant dans des transactions secondaires on peut accéder à certains de ces fonds et GP de grande qualité délivrant de très bonnes performances avec régularité.

 
  • Contexte de marché (effet dénominateur, GP Led) :

Le contexte influence le volume de transactions et la décote sur les actifs secondaires.

S’agissant des investisseurs et notamment les institutionnels tel que les fonds de pension, beaucoup font face à une contrainte d’allocation en actifs non cotés (ratio règlementaire ou statutaire).

En 2022 on a observé une baisse simultanée des actions et des obligations et une bonne résistance des prix sur les actifs non cotés. Ce que l’on qualifie d’effet dénominateur a eu pour conséquence d’accroitre mécaniquement la part en actifs non cotés dans leur portefeuille et franchir la limite fixée. En l’absence de remboursement les investisseurs sont donc contraints pour certains de céder une partie de leur portefeuille pour revenir dans la limite fixée.

Concernant les sociétés de gestion, les cessions peuvent prendre plus de temps ou ont pu être impactées négativement à court terme par des évènement économiques. Le fonds de continuation avec un ou plusieurs actifs constituent alors une alternative attractive pour offrir de la liquidité à leurs investisseurs tout en conservant un actif de qualité.

 

  • Courbe de cash-flow :

De cette maturité en découle des cash-flows plus rapides. En effet dans une transaction primaire une participation est en général détenue entre 5 et 7 ans par le fonds. Si l’acquéreur en secondaire intervient à partir de la 3ème ou 5ème année du fonds certaines participations pourront être cédées rapidement et dans les années qui suivent et donc générer des remboursements à l’acquéreur.

C’est l’une des spécificités du secondaire. En raison des cessions qui interviennent plus rapidement, le capital mobilisé par l’investisseur sera réduit par les remboursements qui interviennent durant la période d’investissement du fonds secondaire. Si l’on tient compte du fait que les remboursements sont réinjectés dans le fonds pour faire face aux appels de fonds, l’investisseur peut n’avoir à débourser finalement que 50 à 60% de son engagement.

Le flux de trésorerie ci-dessus a été fourni à titre d’illustration sans aucune valeur contractuelle. Il n’y a aucune garantie sur sa réalisation ou sur les performances associées qui dépendent d’hypothèses de marché ou des performances passées. Ce flux peut varier en fonction de la stratégie de la société de gestion (recyclage des remboursements, déploiement rapide …). Les appels de fonds
pourraient être plus importants et intervenir plus rapidement et / ou les distributions intervenir plus tard et être moins importantes.

 

  • Courbe en “J” réduite :

Cela aura pour effet de réduire le phénomène de courbe en « J » que l’on observe dans un fonds primaire. En effet le temps que les participations soient revalorisées en fonction de leur développement, durant 2 à 3 ans les frais sont prélevés et la valeur des actifs n’évoluent que très peu. Il en résulte une valeur des parts (NAV) qui baisse mécaniquement.

Dans le cas présent les participations sont plus avancées dans leur plan de développement et susceptibles d’être cédées plus rapidement marquant ainsi leur valeur réelle.

Il en résulte une baisse beaucoup moins marquée voir une absence de baisse lorsque la décote à l’acquisition évoquée plus bas se résorbe et permet de compenser la baisse du début.

 

  • Durée réduite :

Pour ces mêmes raisons l’horizon d’investissement est plus court. Traditionnellement le retour du capital investi dans un fonds de LBO primaire est attendu en année 7 ou 8 et les plus values ensuite. En secondaire le capital investi peut être remboursé en année 5 ou 6.

 

  • Un marché profond :

Le volume de transactions de ce type a augmenté significativement ces dernières années. Il ne s’agit plus d’un marché de niche et les fonds de secondaire n’ont actuellement pas assez de capitaux pour faire face au besoin de liquidités. Ils ont donc du choix à l’acquisition.

On observe également dans le graphique ci-dessous une augmentation depuis 2020 des transactions à l’initiative des sociétés de gestion (GP Led) qui vient accroître le besoin global.

 

Source : Jefferies Global Secondary Market Review, Janvier 2023.
 

LES LIMITES DE CETTE STRATEGIE :

  • Effet de levier susceptible d’être utilisé

En raison de l’environnement concurrentiel et des capitaux collectés, certaines sociétés de gestion ont pu se concentrer sur des tailles d’opérations supérieures à des prix plus élevés.

Pour compenser ce phénomène elles avaient recours à de l’effet de levier au sein du fonds afin d’augmenter le rendement du fonds.

Dans un contexte de taux bas cela pouvait se faire dans de bonnes conditions même si cela avait pour conséquence d’augmenter le risque pour l’investisseur. Avec des taux plus élevés les sociétés de gestion vont devoir retrouver une discipline plus importante sur les prix et ne plus compter sur le levier pour augmenter le rendement. 

A performance égale il est donc important de vérifier si l’un des fonds a eu recours à du levier ou si la performance a été réalisée sans. 

  • Performance attendue

Bien que certaines sociétés de gestion parviennent à générer des performances proches de celles du primaire, celles attendues sont mécaniquement inférieures puisqu’une partie a été captée par le cédant. Les distributions plus rapides permettent d’obtenir un TRI proche de celui du primaire (> à 15%) mais la création de valeur mesurée par le cash multiple attendu (combien vais-je recevoir pour 100€ investis) est en règle général inférieur (> à 1,5 en secondaire et > à 1,8 ou 2 en primaire).

La diversification des transactions, la visibilité sur le portefeuille et les retours plus rapides ont un prix.

Il convient donc d’apprécier le rapport rendement / risque attractif offert par ce type de stratégie et pas uniquement le niveau performance absolu.

  • Attractivité de la décote

Si la décote assure un coussin de performance au début du fonds c’est bien la valeur finale des actifs acquis qui déterminera le rendement global.

Il est donc primordial que la société de gestion procède à une analyse détaillée des actifs pour proposer un prix adapté qui lui permettra de réaliser la performance attendue. La décote seule ne doit pas guider l’acquéreur puisqu’elle reflète parfois également l’incertitude sur la valorisation des sous-jacents.

Certains vont privilégier une décote forte à l’entrée ce qui va augmenter la valorisation du fonds rapidement qui devrait se consolider par la suite.

D’autres vont favoriser des transactions avec un potentiel de performance plus important avec une décote affichée plus faible et une matérialisation de la plus value plus longue à intervenir. Ils vont procéder à une analyse fine du portefeuille ligne à ligne et déterminer une “Fair Market Value” qui peut différer de celle établie au travers de la “Net Asset Value” (NAV) communiquée par la société de gestion et qui servira de référence au vendeur pour établir le prix de vente.

Exemple : un portefeuille affiche une NAV à 150 (1,5x les capitaux investis) et le prix proposé est de 127,5 soit une décote de 15%. Toutefois l’acquéreur a fait un travaille de diligence approfondi grâce aux informations à sa disposition et il a estimé l’ensemble (y compris en appliquant une décote sur certaines lignes) à 180 indépendamment de la prise de valeur future potentielle. Il obtient donc une décote globale (visible + implicite) de 30%.

Il réalisera potentiellement une meilleure affaire que l’acquéreur d’un portefeuille valorisé 200 (x2) avec une décote apparente de 25% mais à qui il restera un potentiel supplémentaire de performance limité et une valorisation actuelle sans marge de manœuvre.

  • Valorisation des transactions GP Led (initiative société de gestion)

Compte tenu de l’augmentation des transactions GP Led il convient d’être attentif à la valorisation de l’actif cédé.

Le fonds étant à la fois acheteur et vendeur il en résulte une situation de conflit d’intérêt. En effet si la transaction ne présente pas un fort alignement d’intérêt avec un réinvestissement significatif des équipes de gestion au travers de leur carried interest et des investisseurs existants, la valorisation doit faire l’objet d’un examen minutieux pour que l’actif ne soit pas payé au prix fort avec un potentiel résiduel limité.

  • Valorisation des transactions LP Led (initiative investisseur)

L’investisseur cédant s’appui sur la valorisation fournie par la société de gestion (NAV trimestrielle et auditée une fois par an). Cette valeur est fournie en décalé et peut ne pas tenir compte du contexte lors de la transaction. En raison de l’inertie en période de baisse et des modes d’évaluation des participations il peut en résulter un décalage entre la valorisation fournie par la société et celle réelle.

Si l’actif est valorisé 90 sur une base 100 estimée par le vendeur, la décote est de 10%. Si au cours des trimestres suivants la société de gestion revoit sa valorisation à 90, la décote a été entièrement consommée.

Cela explique également les décotes plus fortes en période d’incertitudes. Le prix étant plus difficiles à fixer, les acquéreurs intègrent dans leur prix un alea plus grand. Si le prix baisse l’acquéreur conservera une décote suffisante et s’il se maintient il bénéficiera d’un surcroit de performance. Il en résulte le plus souvent des meilleures performances en période d’incertitudes puisque les acquéreurs en position de force profitent de cette situation pour acquérir des actifs de qualité à des prix inférieurs.


Parmi les acteurs du private equity disposant d’une expertise reconnue sur ce sujet on peut citer Coller Capital, Alpinvest, Harbourvest, Lexington Partners, Ardian, Glendower, Committed Advisors ou encore Neuberger Berman.


Au fur et à mesure du développement de ce segment le secondaire s’est ouvert à d’autres stratégies que le private equity évoqué plus particulièrement ici. Les mécanismes en jeux sont valables pour les autres classes d’actifs. 

On peut citer également Pantheon sur le segment de la dette privée secondaire ou encore Ardian actif sur les infrastructures secondaires en plus de private equity.

S’agissant des infrastructures le secondaire présente beaucoup d’avantages pour un particulier car il s’agit d’une classe d’actifs avec un horizon très long terme. Le secondaire permet ainsi d’avoir de la visibilité sur les actifs mais aussi de réduire sensiblement la durée de portage par l’acquéreur et donc l’horizon d’investissement.

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