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LES GRANDES ÉTAPES DE LA VIE D'UN FONDS NON COTÉ

SOMMAIRE

INTRODUCTION

 

L’objectif est de présenter ici les différentes phases de vie d’un fonds d’investissement fermé (close end fund).

Il s’agit de la forme principale que l’on rencontre tant en private equity que dans les infrastructures, la dette privée ou encore l’immobilier.

La constitution du fonds d’un point de vue administratif ne sera pas traitée, étape préalable à la levée qui intègre entre autres la rédaction du règlement ou des statuts du fonds ainsi que les démarches vis à vis de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) s’agissant de la déclaration ou l’obtention de l’autorisation de commercialisation.

A côté de ces fonds fermés il existe des fonds dits “Evergreen” qui restent ouverts avec des modalités d’entrée et de sorties spécifiques. 

Exemple de fonds disposant d’une période de souscription d’un an et d’une durée de vie de dix ans :

 

Différentes phases de vie d'un fonds fermé
Source : AMF Capital Investissement 2023 – Etapes de vie d’un fonds.

LEVÉE

 

  • La thèse d’investissement

Le fonds élabore sa politique ou thèse d’investissement plus particulièrement en private equity mais aussi en dette privée, infrastructures ou immobilier.  

Elle intègre entre autres :

  • Le choix du secteur d’activité
  • Le stade de développement des sociétés en private equity ou des actifs en infrastructures
  • La taille du ticket qu’il investit dans chaque participation
  • Quelle zone géographique (France, Europe, Europe et US)
  • Type d’activité souhaité ou exclu et caractéristiques (B to C exclu, récurrence, barrières à l’entrée, pricing power …)

 

  • La rencontre avec les investisseurs potentiels

Le fonds va ensuite solliciter les investisseurs (LPs) durant 2 ans (plus ou moins 1 an) en général pour réunir des engagements dans le fonds créé et déployer ainsi sa stratégie. Ces capitaux vont lui permettre d’atteindre le montant qu’il souhaite collecter (hard cap).

Ce n’est pas uniquement une ambition commerciale. Il est lié à la stratégie et au positionnement de la société de gestion (GP), la taille des tickets qu’il vise, sa capacité à déployer et le nombre de transactions qu’il souhaite effectuer.

Si la société est positionnée sur des transactions de 50M€ à raison de 15 transactions, elle pourra réunir environ 750M€ sans être contrainte d’augmenter la taille de ces opérations et modifier son positionnement.

Ce montant de transaction est parfois contourné grâce au co-investissement. Le fonds qui identifie une opportunité qui requiert une taille supérieure peut effectuer la transaction au côté d’une autres société de gestion qui sera minoritaire. Cela peut intervenir à la conclusion du deal ou ultérieurement au travers d’une cession partielle de ses parts.

En fonction notamment du fait qu’il s’agisse d’un « first time fund » (1er fonds lancé en tant que société de gestion mais avec une équipe ayant souvent une expérience antérieure) ou simplement d’un nouveau millésime d’une stratégie existante cette levée sera plus ou moins difficile.

 

  • Le réinvestissement ou re-up

En effet lorsque qu’un 1er millésime a généré de bonnes performances notamment, les investisseurs qui ont tissé des liens avec la société de gestion et lui ont fait confiance sont souvent prêts à réinvestir dans le 2nd millésime de la société. On parle alors de « re-up » dont le taux peut tendre vers 100% pour certaines sociétés de gestion. On comprend alors pourquoi il est parfois difficile de rentrer dans certains fonds puisqu’ils sont déjà souscrits par les anciens investisseurs.  Seule l’augmentation de la taille du fonds permettant d’en faire rentrer de nouveaux.

Cette stratégie de réinvestissement peut également s’appliquer aux investisseurs particuliers dans une certaine mesure. En effet en intégrant la période d’investissement du nouveau fonds et le temps écoulé depuis le lancement de la 1ère, cette dernière pourra commencer à procéder dans certain cas à des distributions. Les appels du nouveau pourront alors être financés pour tout ou partie par les sorties du précédent. Les flux de trésorerie seront alors optimisés et l’argent sera toujours au travail.

Attention toutefois les sorties du millésime précédent et les appels du suivant ne sont pas programmés, il peut y avoir des décalages. Il convient donc d’être prudent mais il s’agit d’une stratégie efficace dès lors que les investissements initiaux ont été mis en place et que l’on souhaite se constituer un programme d’investissement à long terme du type retraite ou transmission.

PÉRIODE D'INVESTISSEMENT

 

  • Le déploiement des capitaux levés

De 2 à 5 ans, elle démarre au 1er closing réalisé par le fonds. En parallèle de la levée, la société de gestion (GP) qui a sécurisé une partie des fonds nécessaires grâce aux 1ers engagements, va pouvoir réaliser les 1ères transactions. Elles vont servir de référence aux futurs LP qui vont disposer de visibilité sur une partie du portefeuille.

En contre partie ils paieront une prime dite d’égalisation ou de souscription. Cette prime vise à récompenser les 1ers investisseurs qui ont porté les participations pour l’ensemble des autres investisseurs qui en bénéficieront. Il s’agit d’assurer une égalisation entre les investisseurs en appliquant un taux de rendement fictif (5 à 7% ou euribor 3 mois + 4%) sur la partie qui a été appelée et au prorata du temps qui s’est écoulé pour chaque investissement.

Elle est acquise au fonds et donc à la communauté des investisseurs, il ne s’agit pas de frais conservés par la société de gestion.

Exemple :

Le fonds a réalisé un 1er investissement pour 10% du fonds en janvier 2023 et un autres de 10% en juin 2023 et a une prime d’égalisation de 7%.

Un investisseur qui rentrerait en janvier 2024 à hauteur d’un engagement de 100 000€ devrait s’acquitter d’une prime de 1,05% de son engagement (10% * 7% *(6/12)) + (20% * 7% * (6/12)).

 

  • Un rythme variable

La période d’investissement s’adapte elle aussi à la capacité de déploiement du fonds. Par exemple un fonds de private equity qui pourra exécuter 3 à 4 dossiers par / an et souhaite disposer de 15 à 20 participations investira sur 5 ans. L’investisseur sera donc appelé de 20% de son engagement chaque année.

Ainsi les capitaux réellement mobilisés n’atteindront le montant de son engagement qu’au bout de 5 ans (cf Courbe de cash-flow)

Il est important de noter que si ces pourcentages ne devraient pas varier trop significativement ils ne sont pas figés et dépendent entièrement du calendrier de déploiement. Dès que la société va finaliser un investissement dans une participation elle va envoyer une notice d’appel de fonds à ses LPs qui disposeront de 10 à 15 jours pour envoyer les fonds nécessaires à la réalisation de l’opération.

Le fonds pourrait très bien appeler 15% la 1ère année en l’absence de visibilité sur sa collecte puis 25% la 2ème année grâce à un sourcing qualifié.

Si la société de gestion appelle un montant identique à une période définie il y a de fortes chances qu’elle prenne potentiellement de l’avance en demandant 20% alors qu’elle n’en a besoin que de 15%, elle se retrouve alors avec de la trésorerie. Soit elle fait un appel à un financement “bridge”, une ligne de crédit qui lui permet de limiter la fréquence de ses appels et qu’elle rembourse lorsqu’elle sollicite les investisseurs.

De même cette période peut permettre au GP de temporiser et ralentir s’il juge le contexte défavorable ou incertain pour reprendre le temps que les prix s’ajustent à ses anticipations.

C’est aussi pour cette raison qu’il est difficile et pas forcément recommandé de chercher le meilleur moment pour investir dans des actifs non cotés tel que le private equity. Compte tenu du déploiement progressif il y a de fortes chances que les investissements soient tous réalisés au pire ou meilleurs moments. Si l’on ajoute la souscription dans un fonds d’un millésime suivant on étend encore le rythme d’investissement et lisse l’effet du cycle. 

 

  • Le réinvestissement

En fonction des statuts (FPCI) ou du règlement (SLP) du fonds, ce dernier peut être autorisé durant cette période à réinvestir les sommes reçues à la suite de la cession d’une participation dans un délai plus rapide que prévu.

Au lieu d’appeler des capitaux pour réaliser un nouvel investissement, la société utilisera alors les sommes reçues issues de la cession.

Cela lui permet d’améliorer le rendement du fonds sans dégrader le multiple. Ce dernier aura potentiellement mis au travail l’équivalent de l’engagement de l’investisseur mais sans appeler la totalité de la trésorerie équivalente.

Enfin le fonds n’investi pas 100% des engagements. En l’absence de liquidité le fonds doit provisionner tout ou partie des frais de gestion et autres frais dus sur la période (dépositaire, CAC, frais de transaction, carried interest).  

Il peut également garder des liquidités pour des réinvestissements dans des participations qui réalisent des add-ons (croissances externes). Cette stratégie s’est beaucoup développée en faisant l’acquisition d’une 1ère société de taille importante puis en faisant l’acquisition de sociétés de tailles inférieures pour consolider un marché et bâtir une plateforme.

CRÉATION DE VALEUR

 

  • Impact des frais en début de période

Si l’on ajoute la période de développement des participations à celles de levée et de déploiement, il peut se passer du temps avant que l’on observe des revalorisations sur le portefeuille.

En effet la création de valeur se mesure essentiellement sur des métriques tangibles tel que l’accroissement du CA, l’amélioration de l’EBITDA, la signature de nouveaux contrats, l’augmentation du périmètre dans le cadre de croissance externe ou encore le remboursement de la dette.

Tout cela prend du temps, celui de l’entreprise qui n’est pas guidé par l’immédiateté et le bruit des marchés.

Si les investisseurs apprécient dans le non coté une volatilité inférieure à celle des actifs côtés (à relativiser comme décrit ici), il faut être conscient du temps long associé à ce type d’investissement au-delà de la contrainte de liquidité.

D’autant qu’à l’absence de revalorisation, le temps que la stratégie de croissance (organique et/ ou externe) porte ses fruits, il faut ajouter le fait que la valorisation des parts se creuse mécaniquement avec les frais. Ce phénomène est appelé « courbe en J ».

En effet les frais de gestion du fonds sont prélevés durant la période d’investissement sur le montant de l’engagement. Si l’on retient pour un fonds en direct des frais de 2%, les frais sur une base 100 seront donc de 2 à la fin de la 1ère année. Si le fonds a déployé 20% de l’engagement la valeur de la part est de 20 – les frais de 2 soit 18. La valeur de la part a varié de -10% et affiche un multiple de 0,90x.

 

  • Revalorisation progressive et parfois plus tardive 

Cette baisse est mécanique et ne peut être contre balancée que par la prise de valeur des participations dont a vu en dehors de quelques rares exceptions, qu’elle prenait du temps et arrivant dans un second temps en général.

Ce processus est normal et n’a pas d’impact sur la création de valeur future. Toutefois pour un investisseur habitué à voir ses actifs varier tous les jours et la tentation du gain rapide, ce temps peut sembler long, surtout lorsque les marchés cotés sont orientés à la hausse.

Cette création de valeur prend différentes formes qu’il s’agisse de private equity, d’infrastructures, de dette privée ou d’immobilier. On peut noter la transformation opérationnelle de l’actif (augmentation des recettes et / ou de la marge), la croissance externe avec une stratégie de “buy and build”, le désendettement ou encore l’expansion des multiples de valorisation. 

C’est également durant cette période y compris dès le début de l’investissement que la société prépare sa sortie une fois la thèse d’investissement réalisée et la société parvenue là où on l’envisageait. Cette étape est très importante puisqu’elle permet de matérialiser la plus-value pour le fonds et permettre à la société de poursuivre dans les meilleures conditions possibles.

Il est fréquent de voir une participation cédée à une valeur supérieure à celle affichée dans le dernier reporting fourni par la société de gestion.

Seule la cession définitive permet d’afficher un prix et de matérialiser le gain ou la perte.

La sortie doit donc être anticipée afin de mettre la société en ordre de marche pour une IPO, l’arrivée d’un nouveau fonds plus adapté pour la suite (valorisation d’entreprise supérieure), une cession à un industriel …

PÉRIODE DE DISTRIBUTION

En dehors de quelques stratégies ou situations spécifiques où un recyclage peut intervenir, les fonds procèdent à une distribution des capitaux reçus lorsqu’une cession intervient.

Ils optimisent ainsi leur TRI en rendant aux investisseurs l’argent qui n’est plus au travail.

Il n’y a pas de durée minimum requise ni calendrier. Si un investissement en private equity est en général porté 5 ans il peut tout à fait sortir au bout de 3 ans à la faveur d’un rachat par un industriel ou d’une offre d’un autre fonds.

Si le porteur personne physique a choisi, lorsque le fonds rempli les conditions, de conserver les parts 5 ans pour bénéficier d’une exonération d’impôts sur les plus-values, le fonds conservera les liquidités sur un compte dédié le temps que les conditions soient respectées.

Dans cette hypothèse de sortie anticipée les fonds reçus pendant la période d’investissement pourront servir à répondre à un appel de fonds à venir.

Le fonds peut très bien déployer un montant équivalent à 100% des engagements reçus mais grâce aux cessions réalisés avant la fin de la période d’investissement l’investisseur pourra n’être appelé en trésorerie que de 85% du montant engagé lui permettant lui aussi d’optimiser son TRI.

Concernant les fonds de dette privée et infrastructures des distributions régulières qui composent une partie de la performance finale peuvent intervenir régulièrement une fois la période d’investissement avancée. Elles correspondent aux intérêts et commissions perçues pour la dette privée et aux dividendes reçus (recettes encaissées) pour les infrastructures.

Ces remboursements permettent de solder en priorité le capital et ne sont pas fiscalisés à ce titre.

Ils suivent des règles spécifiques et les sommes seront réparties entre investisseurs et bénéficiaires du “carried interest” dont les termes peuvent varier. Les investisseurs vont recevoir des sommes leur permettant d’atteindre un taux de rendement minimum (hurdle rate) de 8% par exemple.

Au delà les sommes seront réparties à 80% pour les investisseurs et 20% pour les équipes.

Un système de rattrapage (catch up) sur tout ou partie des premiers versements est en général prévu au profit des bénéficiaires du carried intesrest. 

LIQUIDATION ET CLÔTURE

 

A l’approche de sa fin de durée de vie le fonds entrera en période de liquidation.

Il sera clôturé et dissout lorsque toutes les sommes auront été distribuées, les dettes réglées et le dernier investissement aura été remboursé.

C’est à cela que sert la période d’extension de durée de vie du fonds le fameux 10 ans + 1 + 1.

Prenons l’exemple d’une participation acquise à la fin de la période d’investissement en année 5. Le fonds a pour objectif d’en sortir 5 ans plus tard soit en année 10.

Pour de multiples raisons (contexte lors de la sortie, plan de développement de la société, difficultés rencontrées par la société, problème pour trouver un acquéreur) la société de gestion peut avoir besoin de temps pour optimiser la valeur de sortie. Il va alors proroger la durée de vie du fonds pour réaliser ce travail.

Cette durée de vie de 12 ans maximum ne devrait pas rebuter les investisseurs puisque contrairement à ce qu’ils ont pu connaître avec les fonds fiscaux et comme on l’a vu plus haut, leur engagement ne sera pas mobilisé de la 1ère à la dernière année. Comme on peut le voir dans une courbe de cash-flow illustrée ici il n’y a en réalité qu’une période assez courte durant la quelle la totalité des fonds aura été appelée et aucune sortie n’aura été constatée.         

Enfin des sorties sont progressives, un fonds de private equity primaire aura par exemple pu retourner un montant équivalent au capital engagé à ses investisseurs au bout de 7 ou 8 ans en cédant 60% du portefeuille et il restera la création de valeur dans les 40% restant.

PARTIES PRENANTES DANS UN FONDS

 

Rappel des différents intervenants dans un fonds dont nous détaillerons le rôle dans un prochain article : 

Fonctionnement d'un fonds non coté

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