Quelles questions se poser avant de réaliser une opération d’apport cession ?
Rappel du dispositif
L’article 150-0 B Ter du Code Général des Impôts prévoit que la plus-value latente sur des titres (parts de la SARL ou actions de SA ou SAS) apportés à une société contrôlée par l’apporteur sera placée en report d’imposition.
Sur ces titres apportés la plus-value est constatée mais l’impôt n’est pas exigible immédiatement.
Ce report reste acquis si la cession intervient plus de 3 ans après l’apport.
Il s’éteint si la cession des titres apportées intervient moins de 3 ans sauf si 60% du produit de cession est réinvesti dans des activités éligibles dans un délais de 2 ans.
Ce sujet recouvre de nombreux paramètres tels que les conditions à respecter s’agissant de l’apport, la chronologie de l’opération, les critères pour le réinvestissement, la détention des titres de la holding ou encore la sortie.
L’article présent traite plus spécifiquement d’un sujet moins juridique. Cette partie étant souvent encadrée par les avocats conseils lors de l’opération de cession.
Il s’agit de savoir combien apporter à la holding quand cette situation est susceptible d’être retenue.
Il est utile de rappeler qu’en cas de doute il est souvent préférable au cas présent de ne rien entreprendre et subir la fiscalité d’autant qu’elle est actuellement plus accommodante que par le passé.
Le détenteur de titres peut se poser plusieurs questions qui le guideront dans ce choix qui peut paraître difficile (optimiser sa fiscalité en prenant un risque et en acceptant des contraintes ou faire le choix de la liberté avec un capital réduit de la fiscalité applicable).
Ces priorités peuvent être posées dans un ordre différent notamment concernant le projet professionnel mais elles permettent d’avancer. Il est également utile de se rappeler que malgré tous les tableaux Excel possibles il n’y a pas de choix parfait. L’objectif étant d’arriver à un équilibre le moins imparfait en laissant le maximum de liberté ou de marge de manœuvre.
1ère question que devrait se poser un investisseur dans cette situation qu’il parte en retraite ou qu’il poursuive sa vie professionnelle :
Ai-je besoin de cette somme pour des dépenses privées ?
Acquisition d’un bien de jouissance
Encapsuler des sommes destinées initialement au patrimoine privé est probablement le meilleur moyen de créer des complexités futures.
L’acquisition d’une résidence secondaire en est le parfait exemple. La détention du dit bien dans la société à l’IS entraînera de nombreuses contraintes tel que le versement d’un loyer en contrepartie de l’occupation du bien.
Il est souvent préférable dans ce cas de ne pas apporter les titres correspondants à la somme souhaitée et les conserver pour un usage personnel.
Compléter ses revenus
Le chef d’entreprise ou l’associé d’une société en cédant ses parts détruit son outil de rémunération (salaire et / ou revenu de gérant et dividendes éventuels).
Le capital issu de cette cession contribue significativement à équilibrer le train de vie.
Dans le cas d’un départ en retraite avec liquidation des droits ou de façon anticipée, il est important de se demander quel montant de capital doit être mobilisé (sans surestimer le rendement potentiel obtenu) pour générer les compléments de revenus attendus.
En prenant l’exemple pour simplifier d’un besoin de revenus de 30 000€ nets et d’un rendement de 3% net (4,2% brut). Il est nécessaire de mobiliser l’équivalent de 1 428 000€ avant cession soit 1 000 000€ net (application du PFU* de 30% sans intégrer la CEHR** de 3 à 4%) pour générer les revenus souhaités si l’investisseur souhaite maintenir son capital.
Sous-estimer ce besoin ou surestimer les rendements à court terme peut entrainer des conséquences importantes sur le maintien du train de vie alors que ce dernier constitue souvent un objectif prioritaire du cédant.
* Prélèvement Forfaitaire Unique
**Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus
2ème question qui peut se poser lors de la cession grâce à la monétisation de cet actif :
Est-ce que je souhaite en profiter pour transmettre ?
La cession de titres professionnels et la réorganisation du patrimoine qui en découle constitue une opportunité d’initier la transmission.
Idéalement elle ne portera que sur des capitaux non nécessaires au maintien du train de vie ou la réalisation de projets.
Cette transmission peut être effectuée en amont de la cession en donnant des titres qui seront vendus ultérieurement.
On parle de donation avant cession.
Les titres donnés supporteront des droits de donation en fonction du montant reçu par le donataire (si ce montant excède les abattements disponibles en fonction du lien de parenté).
Toutefois pour ce dernier, le prix d’acquisition retenu en cas de vente ultérieure des titres est celui au jour de la donation. Lors de la cession c’est ce prix qui sera retenu et non celui du donateur.
La plus-value aura donc été « purgée » définitivement si celui qui a reçu les titres les cèdent au même prix qu’il les a reçus. C’est cette situation qui se produit dans la plupart des cas lorsqu’il s’agit d’une société non cotée.
L’article ne reviendra pas sur les différents aspects juridiques, civils et fiscaux qui doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Il convient entre autres d’être attentif à :
- l’intention libérale
- l’absence de réappropriation du fruit de la cession par le donateur
- ou encore le respect de la chronologie des opérations (la donation doit intervenir le plus en amont possible dans le process de cession pour que cette dernière ne soit pas considérée comme réalisée par l’administration fiscale).
Grâce à l’accompagnement de ses conseils, le cédant pourra envisager sereinement cette option.
Si elle trouve à s’appliquer il pourra profiter de cette possibilité pour transmettre une partie du patrimoine, dont il estime ne pas avoir besoin, dans d’excellentes conditions fiscales.
3ème question qui peut se poser aussi immédiatement en fonction des priorités et de la situation patrimoniale du cédant :
En cas de nouveau projet professionnel, va-t-il mobiliser tout ou partie des capitaux ?
C’était l’essence de ce dispositif, permettre à un chef d’entreprise qui cède son activité et souhaite réinvestir de pouvoir mobiliser 100% du fruit de cession sans subir le frottement fiscal que génère la vente de l’entreprise.
Si le cédant ne souhaite pas bénéficier de sommes à titres personnels et que son nouveau projet requiert une partie des sommes à percevoir, il peut opter pour l’apport d’une partie des titres correspondant au montant à réinvestir ou à la totalité.
Si cet apport a été réalisé plus de 3 ans avant la cession il n’aura pas de contraintes de réinvestissement.
Si l’apport a lieu moins de 3 ans avant la cession (ce qui se passe généralement) le cédant devra s’assurer en amont que son projet respecte les conditions de réinvestissements économiques requises pour maintenir le report.
C’est à cette 4ème question que se pose le réinvestissement et le bénéfice de l’apport cession (art 150-0 B Ter) que l’on soit partant en retraite ou encore en activité à l’issue de la cession.
Est-ce que je souhaite bénéficier du dispositif d'apport cession ?
Ce n’est qu’après avoir traité les questions soulevées plus haut (s’il s’agit de priorité) que l’on devrait envisager cette option.
1ère réponse possible :
Si je ne souhaite pas :
- prendre de risques dans mes investissements (il y en a toujours) même s’il porte sur 60% du produit,
- avoir de contraintes (conserver une société avec les obligations que cela impose, critères à respecter pour les réinvestissements et leur suivi),
- conserver la holding à long terme en vue de la transmettre
Si je souhaite m’acquitter de la fiscalité immédiatement et gérer le plus simplement possible le produit net.
Dans tous ces cas cités il ne semble pas pertinent d’utiliser le mécanisme de l’apport cession.
2ème réponse possible :
J’ai coché les cases précédentes (ou non), j’ai intégré les contraintes d’ordre fiscales et administratives notamment du dispositif, j’ai compris les risques que pouvait générer le réinvestissement de tout ou partie des sommes issues de la cession.
Il peut être alors pertinent de réaliser un apport cession pour une partie des titres détenus.
Vous pourrez dès lors procéder, dans le délai de 24 mois suivant la cession, aux investissements permettant de maintenir le bénéfice du report.
Ils pourront avoir lieu en direct ou par le biais de fonds.
Cette dernière possibilité a été ouverte dans la loi de finance 2019 en étendant le bénéfice du dispositif au réinvestissement dans certains véhicules (FCPR, FPCI et SLP notamment) répondant aux critères.
Elle offre ainsi la possibilité d’opter pour ce schéma pour des considérations plus patrimoniales tandis que jusqu’ici elle était surtout réservée aux nouveaux projets professionnels.
Cette solution permet de parer au plus pressé dans un contexte de cession qui n’a pas pu être anticipée ou dont le montant est supérieur à celui attendu.
Mais comme souvent l’anticipation reste la clé.
Si les conditions le permettent une détention au travers d’une holding dès l’origine ou un apport d’une partie des titres au moins 3 ans avant la cession sera beaucoup plus efficace et autorisera plus d’options.
Posez-vous donc la question le plus tôt possible de savoir si la structure de détention actuelle est adaptée ou non et répond à vos objectifs.
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